Titres

Carmélia Desjardins a 88 ans quand elle prend la plume pour écrire à Claude Martel, natif du Chemin-Taché et lui-même écrivain. Ce faisant, elle entreprend de dresser un tableau de ce coin de pays. La manière dont elle s’y prend n’est rien de moins qu’une attaque en règle contre les bien-pensants et contre tous ceux qui s’alimentent aux vérités toutes faites. D’entrée de jeu, elle joue ses cartes : il n’est pas vrai que le bonheur réside dans l’agriculture. Comment cela pourrait-il être le cas, nous dit-elle, quand on regarde un tant soit peu le Chemin-Taché qui était « d’une pauvreté effroyable », où les enfants se rendaient à l’école nu-pieds parce que leurs parents n’avaient pas les moyens de leur payer des souliers ? Étaient-ils heureux, ces paysans qui devaient attendre le beurre de l’été pour payer leurs dettes au magasin général? 

On a tout intérêt à revisiter ce portrait de la vie paysanne, peu importe que ce récit ait été publié longtemps après l’âge d’or du roman du terroir. Il faut lire Marie-Ève! Marie-Ève! comme une réplique cinglante aux affirmations idéalistes des penseurs ultramontains du début du siècle qui chantaient tous en choeur les vertus de la terre.